Faut-il une bonne fois pour toutes fusionner la carte vitale avec la carte d’identité ? Lors de son interview sur TF1 mardi soir, le président s’est montré on ne peut plus clair : “Si la Constitution le permet, oui. Tout ce qui permet de simplifier, [c’est] oui”.
Sauf que l’administration n’y est pas franchement favorable, selon un rapport d’inspection que publie POLITICO. Les inspecteurs y jugent en effet l’opération coûteuse, complexe et moyennement efficace.
Cette idée de fusion a été émise et soutenue pour la première fois en mai 2023 par Gabriel Attal, ministre des Comptes publics. L’objectif affiché était alors de lutter contre la fraude sociale.
A l’époque, le ministre s’appuyait sur un rapport des inspections des Affaires sociales et des Finances, qui enterrait la création d’une carte vitale biométrique, mais proposait un plan B : la fusion des cartes vitale et d’identité.
Aussitôt dit, aussitôt fait : Gabriel Attal s’engouffrait dans la brèche et lançait une mission de préfiguration. Ses conclusions n’ont été rendues qu’au printemps 2024, et jamais publiées ni même reprises par l’intéressé, qui en avait pourtant fait une “priorité” de son gouvernement une fois devenu Premier ministre.
Une fusion à 80 millions d’euros
Dans ce rapport, les inspecteurs estiment qu’une fusion menacerait le bon déroulement d’un chantier d’ampleur : le remplacement des cartes d’identité par de nouvelles cartes électroniques. L’opération nécessiterait en effet de rappeler les millions de cartes électroniques déjà déployées depuis 2021, et ne ferait qu’engorger encore un peu plus les services d’état civil et les préfectures.
Dans le meilleur des cas, la fusion s’étendrait sur cinq ans et coûterait au minimum 80 millions d’euros — sans compter les “coûts indirects”. Un montant trop élevé comparé au “caractère résiduel” de la fraude à la carte vitale, dont le coût est estimé par la mission à 3,4 millions d’euros par an.
Concrètement, fusionner les deux cartes consisterait à inscrire un numéro de sécurité sociale dans la puce d’une carte d’identité, et donc à faire définitivement disparaître la carte vitale. Sauf que tous les détenteurs d’une carte vitale n’ont pas forcément de carte d’identité — puisqu’elle n’est pas obligatoire.
La CNIL pas emballée
Par ailleurs, l’idée ne plaît pas du tout à la CNIL, garante de la protection des données personnelles. Pour qu’elle autorise une telle fusion, il faudrait donc laisser à chaque citoyen la possibilité de s’y opposer. Il conviendrait aussi de diviser la puce électronique de la carte d’identité en deux compartiments cloisonnés, pour que seuls les services de la sphère santé-social puissent accéder aux numéros de Sécu.
Il existe une piste alternative, poussée par le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau : intégrer une version numérisée de la carte vitale dans l’application mobile France Identité. Mais l’Assurance maladie y est également opposée, au motif que tous les Français n’ont pas de smartphone, et que tous les assurés sociaux ne sont pas Français et donc éligibles à la carte d’identité.
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