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La Pologne tente de rétablir l’Etat de droit et ça ne plaît pas à son président

VARSOVIE — Le gouvernement centriste polonais s’efforce de rétablir l’Etat de droit mis à mal par ses prédécesseurs populistes, mais les divisions politiques du pays font que les chances de succès sont minces.

Le ministère de la Justice a présenté son plan jeudi, afin de tenir une promesse électorale importante du gouvernement de coalition dirigé par le Premier ministre Donald Tusk, arrivé au pouvoir fin 2023.

La question principale est de savoir ce qu’il faut faire des milliers de juges nommés sous l’ancien gouvernement du parti Droit et justice (PiS) dans le cadre d’un processus que les tribunaux polonais et européens ont jugé défectueux et portant atteinte à l’indépendance de la justice.

“Nous sommes sur le point de décider ce qu’il faut faire de ces néojuges, comme on les appelle, et comment traiter leurs affaires afin que les procédures judiciaires se déroulent plus rapidement sans déclencher des poursuites devant les tribunaux européens — principalement la Cour européenne des droits de l’homme — qui finissent par coûter de l’argent au gouvernement polonais en indemnisations”, a exposé le ministre de la Justice Waldemar Żurek lors d’un entretien avec POLITICO, ajoutant que le précédent processus de nomination des juges avait “contaminé” le système judiciaire.

Rétablir l’Etat de droit est la principale mission de Waldemar Żurek, un ancien juge nommé par Donald Tusk cet été pour détricoter la réforme judiciaire du PiS et demander des comptes à ses responsables.

Sous le PiS, qui a gouverné la Pologne de 2015 à 2023, les relations entre Varsovie et Bruxelles se sont détériorées face aux inquiétudes grandissantes que les réformes du système judiciaire compromettent les règles démocratiques de l’UE. En réaction, la Commission européenne a gelé des milliards d’euros de fonds européens, tandis que la plus haute juridiction de l’UE a infligé des amendes massives à la Pologne.

Quelques semaines seulement après son arrivée au pouvoir, Donald Tusk a réussi à obtenir de la Commission qu’elle débloque 137 milliards d’euros en promettant qu’il mettrait fin au conflit sur l’Etat de droit en remettant le système judiciaire polonais en conformité avec les normes de l’UE.

Mais ces premiers efforts ont été contrariés par la lenteur de l’action gouvernementale et par l’hostilité du président Andrzej Duda, allié du PiS, qui a juré d’opposer son veto à toute législation remettant en cause les réformes juridiques de l’ère du PiS.

Le président nouvellement élu Karol Nawrocki, lui aussi proche du PiS, s’engage également à résister à toute modification du système mis en place par le précédent gouvernement.

En visite en Estonie vendredi, Karol Nawrocki a déclaré qu’il étudierait la proposition de Waldemar Żurek, mais que les récentes actions du ministre “n’incitent pas à l’optimisme”, l’accusant de violer “brutalement” la loi et la Constitution.

Politiser les tribunaux

Les problèmes de la Pologne en matière d’Etat de droit remontent à la prise de contrôle politique du Conseil national de la magistrature (KRS) par le PiS en 2018. Ce dernier a empilé l’organe de nomination des juges avec des juges élus par le Parlement — à l’époque dominé par le PiS —, alors que les membres du KRS étaient auparavant en grande partie choisis par les juges eux-mêmes.

La Cour suprême de Pologne et les plus hautes juridictions européennes — la Cour de justice de l’UE et la Cour européenne des droits de l’homme — ont estimé que le KRS manquait d’indépendance et que les verdicts rendus par les quelque 2 500 juges qu’il avait nommés risquaient d’être annulés.

Rétablir l’Etat de droit est la principale mission de Waldemar Żurek, un ancien juge nommé par Donald Tusk cet été pour détricoter la réforme judiciaire du PiS et demander des comptes à ses responsables. | Aleksander Kalka/NurPhoto via Getty Images

La Cour européenne des droits de l’homme ne se prononce pas sur plusieurs centaines d’affaires concernant ces juges, en attendant que Varsovie résolve le problème. Elle lui a donné jusqu’au mois de novembre pour régler cette question.

Selon Waldemar Żurek, la Pologne paie cher le désordre créé par le PiS en tentant de mettre en place ce qu’il appelle “un système autoritaire”, dans lequel les tribunaux protégeraient les intérêts du parti au pouvoir.

La Pologne a été frappée de 3 milliards de złoty (700 millions d’euros) de pénalités par la Cour de justice de l’UE, et a jusqu’à présent payé 5,5 millions de złoty en compensation des décisions rendues par des juges indûment nommés.

Le gouvernement Tusk est parvenu à limiter les nouvelles nominations par le KRS, mais il veut maintenant porter un grand coup au système mis en place par le PiS.

Nouveau système judiciaire

La proposition de Waldemar Żurek permettrait aux juges nommés pour la première fois par le KRS de conserver leur poste, mais toute personne promue par le Conseil de la magistrature devrait retourner à son ancien poste et participer à des concours de recrutement pour remonter dans la hiérarchie. Les juges nommés par le KRS ne pourraient pas siéger à la Cour suprême, où ils représentent actuellement environ 60% des membres, et sa première présidente, Małgorzata Manowska, serait évincée.

Le Conseil de la magistrature lui-même fera également l’objet d’une révision lorsque les mandats de ses membres expireront en avril. Waldemar Żurek souhaite utiliser la loi adoptée par le PiS pour permettre à la majorité parlementaire dirigée par Donald Tusk de voter pour les remplaçants. Contrairement à ce qui se passait sous le PiS, la liste des candidats sera préparée par d’autres juges, puis présentée au Parlement, afin de mettre un terme à la politisation du KRS.

Waldemar Żurek a présenté sa proposition de réforme comme un effort de compromis : “Des voix se sont élevées pour demander qu’ils soient tous licenciés et soumis à des procédures disciplinaires. Ce n’est pas ce que nous faisons”, a-t-il mis en avant. “Il existe différentes catégories de ces ‘néojuges’. L’implication du KRS dans certaines nominations a été très limitée.”

Mais la réaction du PiS est violente.

“Waldemar Żurek est un homme qui devrait passer de nombreuses années dans une prison d’Etat. Et je pense qu’il ira”, a déclaré mardi Jarosław Kaczyński, chef de file du PiS.

Waldemar Żurek est déjà menacé par l’association des juges liée au PiS, qui a saisi la justice parce que le ministre aurait gardé un crocodile chez lui, en violation de la réglementation polonaise sur le bien-être des animaux.

“Ils n’arrêtent pas de m’importuner avec le crocodile. C’est une histoire amusante, mais je ne peux pas en parler pour l’instant parce qu’une affaire pénale est en cours”, a répondu Waldemar Żurek.

Un président hostile

Bien que la coalition de Donald Tusk dispose des voix nécessaires au Parlement pour adopter sa proposition, elle ne les a pas pour passer outre le veto de Karol Nawrocki.

Le gouvernement Tusk est parvenu à limiter les nouvelles nominations par le KRS, mais il veut maintenant porter un grand coup au système mis en place par le PiS. | Artur Widak/NurPhoto via Getty Images

Le PiS se prépare à affronter la Coalition civique de Donald Tusk pour récupérer le pouvoir lors des élections législatives de 2027 et s’efforce de saborder le programme du gouvernement.

“Je pense que le président veut provoquer un changement de gouvernement, de sorte que tous les projets de réforme, tous les projets de loi qui amélioreraient le sort des citoyens, à mon avis, pourraient être rejetés”, a considéré Waldemar Żurek.

En cas d’échec, le ministre de la Justice a indiqué qu’il avait un “plan B”, sans donner davantage de détails.

Cela met le gouvernement dans une situation difficile, observe Jakub Jaraczewski de Democracy Reporting International, un think tank spécialiste des questions d’Etat de droit en Europe.

“On peut insister sur le fait de respecter la loi à la lettre, mais cela signifie qu’il faut s’en tenir à des normes conçues pour un système normal, démocratique et pluraliste, et non pour un système qui est cassé et qui a besoin d’être réparé”, explique-t-il.

“Ignorer le droit polonais et suivre directement le droit européen et la Convention européenne des droits de l’homme est une bonne idée, mais la Pologne est un pays très formaliste. Ici, tout est réglementé et les gens s’attendent à ce que le droit national soit le principal point de référence, et non une réinterprétation créative de décisions étrangères”, ajoute Jakub Jaraczewski.

Cet article a d’abord été publié par POLITICO en anglais, puis a été édité en français par Jean-Christophe Catalon.

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