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Une enquête pour fraude risque de plonger l’UE dans la crise la plus grave depuis des décennies

BRUXELLES ― Ursula von der Leyen est confrontée au plus grand défi de l’Union européenne en matière de responsabilité publique depuis une génération, alors qu’une enquête pour fraude impliquant deux personnalités haut placées à Bruxelles pourrait déboucher sur une crise majeure.

Un an tout juste après le début de son second mandat en tant que présidente de la Commission européenne, l’Allemande, déjà en proie à des questions sur ses engagements en matière de transparence et à des tensions latentes avec le service de l’UE chargé de la politique étrangère, doit maintenant trouver un moyen d’éviter d’être mêlée à un scandale qui remonte à ses premières années à Bruxelles.

Ses détracteurs se sont emparés de l’annonce par le parquet européen du placement en garde à vue de l’ancienne cheffe des affaires étrangères de l’UE et d’un diplomate de haut rang travaillant actuellement au sein de la Commission de von der Leyen pour demander qu’elle fasse l’objet d’une quatrième motion de censure.

“La crédibilité de nos institutions est en jeu”, a estimé Manon Aubry, coprésidente du groupe La Gauche au Parlement européen.

Si elles venaient à être prouvées, ces accusations déclencheraient le plus grand scandale à Bruxelles depuis la démission de la Commission Jacques Santer en 1999 à la suite d’allégations de mauvaise gestion financière.

La police a procédé au placement en garde à vue l’ancienne vice-présidente de la Commission, Federica Mogherini, une ancienne responsable politique italienne de centre gauche qui a dirigé le service de la politique étrangère de l’UE, le Service européen pour l’action extérieure (SEAE), de 2014 à 2019, et Stefano Sannino, un fonctionnaire italien qui a été le secrétaire général du SEAE de 2021 jusqu’à ce qu’il soit remplacé cette année.

Le parquet européen a indiqué avoir de “forts soupçons” que la procédure d’appel d’offres de 2021-2022 pour la création d’une académie diplomatique rattachée au Collège d’Europe, dont Federica Mogherini est la rectrice, n’avait pas été équitable, et qu’il pourrait s’agir de faits de “fraude dans l’attribution de marchés publics, corruption, conflit d’intérêts et violation du secret professionnel”.

Cette affaire semble prête à enflammer les relations déjà tendues entre Ursula von der Leyen et l’actuelle patronne du SEAE, la haute représentante de l’UE Kaja Kallas, soufflent quatre responsables européens à POLITICO. Cette année, Stefano Sannino a quitté son poste de secrétaire général et a pris un rôle important au sein de la Commission européenne.

Un responsable de l’UE a défendu l’Allemande, rejetant la faute sur le SEAE — un service dont l’autonomie est inscrite dans les traités et qui est placé sous l’autorité de la haute représentante de l’Union, Kaja Kallas, qui fait aussi partie des 27 commissaires européens.

“Je sais que les personnes qui n’aiment pas von der Leyen utiliseront cela contre elle, mais elles utilisent tout contre elle”, déplore ce responsable de l’UE.

Federica Mogherini est une ancienne responsable politique italienne de centre gauche qui a dirigé le service de la politique étrangère de l’UE, le Service européen pour l’action extérieure (SEAE), de 2014 à 2019. | Christoph Gollnow/Getty Images

“Parce que la présidente von der Leyen est la dirigeante la plus identifiable à Bruxelles, on lui met tout sur le dos”, a-t-il ajouté. “Et il n’est pas juste qu’elle risque de faire face à une motion de censure pour quelque chose que le Service d’action extérieure a pu faire. Elle n’est pas responsable de toutes les institutions.”

Federica Mogherini, Stefano Sannino et une troisième personne n’ont pas été inculpés et leur garde à vue ne signifie pas qu’ils sont coupables. Un juge d’instruction dispose de quarante-huit heures à compter du début de leur interrogatoire pour décider de la suite à donner à l’affaire.

Contactée au sujet de Stefano Sannino, la Commission a refusé de commenter. Contacté au sujet de Mme Mogherini, le Collège d’Europe a refusé de répondre à des questions précises. Dans un communiqué, il a déclaré qu’il restait “attaché aux standards les plus élevés en matière d’intégrité, d’équité et de conformité, tant sur le plan académique qu’administratif”.

“Série policière”

L’enquête intervient alors que les partis eurosceptiques, populistes et d’extrême droite surfent sur une vague de mécontentement des électeurs et à un moment où l’UE fait pression sur des pays, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’Union, en raison de leurs propres scandales de corruption.

“Il est amusant de constater que Bruxelles fait la leçon à tout le monde sur ‘l’Etat de droit’, alors que ses propres institutions ressemblent plus à une série policière qu’à une union fonctionnelle”, a ironisé sur X Zoltán Kovács, porte-parole du gouvernement hongrois, qui a fait l’objet de critiques de la part de l’UE.

L’eurodéputé roumain Gheorghe Piperea, membre du groupe de droite dure des Conservateurs et réformistes européens, qui a été à l’origine de la motion de censure contre Ursula von der Leyen en juillet, a déclaré à POLITICO qu’il envisageait d’essayer de déposer une nouvelle motion.

La porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, a déclaré aux médias d’Etat que les responsables européens “préfèrent ignorer leurs propres problèmes, tout en faisant constamment la leçon à tous les autres”.

L’Union européenne a du mal à se défaire d’une série de scandales de corruption qui ont éclaté depuis le début de la décennie. Les perquisitions de mardi interviennent après le scandale du “Qatargate” de 2022, dans lequel Doha a été accusé de chercher à influencer des députés européens via des pots-de-vin et des cadeaux, et l’enquête pour corruption sur les activités de lobbying en Europe du géant chinois de la tech Huawei.

Ces affaires impliquent des députés européens et, lorsqu’elles ont éclaté, les responsables de la Commission se sont empressés de pointer du doigt les parlementaires et de prendre leurs distances par rapport à ces scandales.

Mais la Commission n’est pas immunisée contre les accusations d’irrégularités. En 2012, le commissaire à la Santé de l’époque, John Dalli, a démissionné à la suite d’un scandale lié aux lobbies du tabac. Ursula von der Leyen a elle-même été du mauvais côté de la barre quand la justice européenne a tranché en mai dernier qu’elle n’aurait pas dû dissimuler au public les SMS qu’elle avait échangés avec le PDG du géant pharmaceutique Pfizer pendant la pandémie de Covid.

Les révélations de mardi sont bien plus dangereuses pour la Commission, compte tenu du CV des suspects et de la gravité des accusations qui pèsent sur eux.

“Un impact désastreux”

Après avoir été vice-présidente de la Commission européenne et cheffe du SEAE, Federica Mogherini a été nommée rectrice du Collège d’Europe en 2020. Elle faisait alors l’objet de critiques selon lesquelles elle n’était pas qualifiée pour le poste, ne répondait pas aux critères et était entrée dans la course plusieurs mois après la date limite. En 2022, elle est devenue directrice de l’Académie diplomatique de l’Union européenne, le projet au cœur des perquisitions de mardi.

Stefano Sannino, ancien diplomate italien, a été le plus haut fonctionnaire du SEAE et est aujourd’hui directeur général du département Moyen-Orient, Afrique du Nord et Golfe à la Commission.

Stefano Sannino, ancien diplomate italien, a été le plus haut fonctionnaire du SEAE et est aujourd’hui directeur général du département Moyen-Orient, Afrique du Nord et Golfe à la Commission. | Photo de pool par Johanna Geron via Getty Images

Cristiano Sebastiani, représentant du personnel Renouveau & Démocratie, l’un des principaux syndicats de l’UE, a estimé que, si elles étaient prouvées, ces accusations auraient “un impact désastreux sur la crédibilité des institutions concernées et, plus largement, sur la perception qu’ont les citoyens de toutes les institutions européennes”. Il a confié avoir reçu des “dizaines de messages” de la part de membres du personnel de l’UE préoccupés par le risque de réputation.

“Ce n’est pas bon pour les institutions de l’UE et pour les services de la Commission. Ce n’est pas bon pour l’Europe, cela détourne l’attention d’autres choses”, déplore un responsable de la Commission sous couvert d’anonymat pour qu’il puisse s’exprimer librement. “Cela véhicule cette idée d’élitisme, d’un réseau informel qui fait des faveurs. De plus, Mogherini a été l’une des [hautes représentantes de l’UE] qui a eu le plus de succès, ce n’est pas une bonne chose en matière de diplomatie publique.”

Cet article a d’abord été publié par POLITICO en anglais, puis a été édité en français par Jean-Christophe Catalon.

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