Après une très jolie promotion 2024, la rédaction de POLITICO à Paris a dressé son palmarès des grands moments de l’année qui vient de s’écouler. Voici, sans plus tarder, nos Cesar politiques 2025 — un cru qui fut, comme le précédent, épatant à bien des égards.
1. Prix spécial du jury, catégorie meilleur plot twist : le hara-kiri de François Bayrou
Il nous a pris de cours, le Premier ministre, ce 25 août. Alors que les uns et les autres rentraient tranquillement d’une pause estivale bien méritée, le Béarnais convoquait subitement les journalistes pour une conférence de presse. François Bayrou annonçait alors avoir reçu le feu vert d’Emmanuel Macron pour l’ouverture d’une session extraordinaire à l’Assemblée nationale… et son intention de se soumettre à un vote de confiance des députés deux semaines plus tard, le 8 septembre. La raison : après la présentation des grandes lignes de son plan budgétaire (un “effort” de 40 milliards d’euros, tout de même), le 15 juillet, et alors qu’une journée “Bloquons tout” était annoncée le 10 septembre, Bayrou estimait ses chances de survie trop faibles. Il fit le choix du “panache”, dans les mots de l’un de ses proches, en obligeant les parlementaires à dire si, oui ou non, ils étaient favorables à ce que le maire de Pau aide la France à reprendre son destin en main, en tout cas dans sa conception des choses.
Las, il n’y eu pas l’ombre d’un début de suspense, tant la réponse de Marine Le Pen fut rapide. Le jour même, la présidente du groupe RN tweetait : “Nous voterons évidemment contre la confiance au gouvernement de François Bayrou.” L’affaire était donc pliée. Les quelques jours d’omniprésence médiatique du Premier ministre qui suivirent n’eurent aucun effet sur le vote. Ainsi se termina, sous nos yeux ébahis, le mandat de François Bayrou à Matignon.
On avait aussi pensé à : la nomination-dénomination-renomination des gouvernements Lecornu I et II, ou au tweet fatidique de Bruno Retailleau (dans la même semaine).
2. Meilleur scénario : le budget 2026
La critique est unanime : l’examen des textes budgétaires pour 2026 a encore repoussé un peu plus le champ des possibles de la politique française. Seule vraie obsession de François Bayrou, dès le printemps, puis de Sébastien Lecornu à la rentrée, ce moment décisif aura donné du fil à retordre aux législateurs comme aux observateurs dont nous sommes. Le gouvernement a eu beau renoncer à l’article 49-3 de la Constitution, et donc faire miroiter un vote aux députés, voilà une idée neuve… qui n’aura pas suffi. Qui aurait pu prédire que le gouvernement et les parlementaires finissent ainsi l’année, le séant entre deux chaises ? D’un côté, la loi de financement de la Sécurité sociale a été ficelée et adoptée, le 16 décembre, grâce notamment à une mise sur pause de la réforme des retraites pour plaire à la gauche — forçant les bancs macronistes à manger leur chapeau. De l’autre, le projet de loi de finances, qui donne les moyens à l’Etat et aux collectivités de fonctionner, a échoué sur la ligne d’arrivée, trois jours plus tard, faute d’un “en même temps” convaincant sur les deniers publics, pourtant spécialité revendiquée du pouvoir en place.
Avant la probable relance des débats début janvier, un budget de poche (la loi spéciale), va permettre au pays de marchoter au 1er janvier. Le marathon budgétaire n’aura donc jamais été aussi long et tortueux. Vous n’en pouvez plus ? Vivement le budget 2027 !

On avait aussi pensé à : Richard Ferrand. Le 19 février, l’ancien président de l’Assemblée nationale fut propulsé à la tête du Conseil constitutionnel, sur proposition d’Emmanuel Macron. Mais sa désignation ne se fit qu’à une voix près au Parlement, les représentants du Rassemblement national n’ayant pas pris part au vote. Au point de faire dire à ses détracteurs qu’il doit sa place aux lepénistes. Ce que le principal intéressé, qui a multiplié les coups de fil pour mener campagne, dément catégoriquement.
3. Meilleur placement de produit : Burger King
François Bayrou a offert une très belle pub à la chaîne de restauration rapide Burger King, cette année, avec son à jamais inimitable “Hmm, Bourguer King“, marmonné à la tribune lors d’un conseil municipal à Pau, alors qu’il était encore Premier ministre. A noter que la marque a décidément la cote avec nos politiques puisque Xavier Bertrand, lui aussi, s’est fendu d’une publication sur ses réseaux sociaux lors d’un récent passage au “BK”.
4. Meilleur costume : la petite laine de Lecornu
Le chandail vert bouteille de Sébastien Lecornu : le lainage est apparu un samedi après-midi de la mi-octobre sur le site de Paris Match, qui suivait le Premier ministre fraîchement renommé par Emmanuel Macron “loin du tumulte”, sur le marché de Vernon, son fief de l’Eure. Ainsi que, ça n’est pas un détail, sur les réseaux sociaux du chef du gouvernement. Laissant dépasser au passage un joli poireau de son cabas — gageons que le Vernonais commençait tout juste ses courses, sans quoi ses repas de la semaine furent pour le moins spartiates —, le Premier ministre travaillait là, à l’évidence, son style antiparisien, modeste et banal, de “moine-soldat”, selon sa propre expression. Abondamment commentée, l’image est restée gravée dans la rétine des commentateurs.
Bonus : à noter que l’amaryllidacée aurait aussi sa place dans notre catégorie “meilleure révélation” (voir plus bas), ayant fait une entrée remarquée en politique dès janvier, lors de la déclaration de politique générale de François Bayrou. Qui remettait en question Parcoursup (la plateforme d’orientation postbac des lycéens) en déclarant : “Les enfants ne sont pas comme les poireaux, ils ne poussent pas tous à la même vitesse et vouloir sélectionner précocement, sans qu’aient mûri l’esprit et les attentes, je pense que c’est une erreur, en tout cas une faiblesse.”
5. Meilleur acteur : Gérald Darmanin
Le ministre de la Justice s’est illustré cette année dans un rôle où, on ne va pas vous mentir, on ne l’attendait pas : celui du politique qui “ne fait plus de politique”. Tout juste renommé dans le gouvernement Lecornu II, le nordiste a en effet annoncé qu’il se mettait en retrait de ses activités partisanes et renonçait à briguer la mairie de Tourcoing — sa mairie, celle qu’il avait ravie à la gauche en 2014 (rassurez-vous, en principe, il devrait tout de même figurer sur la liste de Doriane Bécue, qui lui a succédé en 2020). Il faut dire que Sébastien Lecornu, son ami, tenait à compter dans son gouvernement des ministres entièrement dédiés à leurs dossiers, et pas tournés vers 2027. Ahem. Signe de sa bonne foi, Gérald Darmanin a mis son mouvement “Populaires” sur pause et quitté Renaissance. Fini donc la “politique partisane” pour l’un des ministres les plus politiques de l’ère Macron, priorité à sa vie de famille et ses fonctions de garde des Sceaux. Vous êtes libres, comme nous et nombre de nos sources, de ne pas y croire.

On avait aussi pensé à : Sébastien Lecornu, dans le rôle de celui qui “n’est pas candidat à Matignon”.
6. Meilleur acteur dans un second rôle : Jordan Bardella
Très belle performance également cette année pour Jordan Bardella, avec son interprétation du “plan B” pour 2027. Condamnée fin mars à cinq ans d’inéligibilité avec exécution provisoire (entre autres), Marine Le Pen s’est retrouvée privée d’une quatrième candidature à la présidentielle — sauf si son procès en appel, prévu du 13 janvier au 12 février, changeait la donne. Son dauphin a ainsi naturellement été propulsé candidat à sa place, mais pas encore officiellement. Ainsi se prépare-t-il à l’échéance, au point que les sondeurs oublient quelques fois de tester Marine Le Pen, qui, c’est promis, en est “ravie”. Le président du RN, dans le même temps, tâche comme il peut de ne pas donner l’air d’enterrer trop vite la patronne… se qualifiant récemment de “numéro 1 ou numéro 1 bis”, ou se retrouvant contraint d‘expliquer pourquoi il ne cite qu’une seule fois Marine Le Pen dans son dernier livre Ce que veulent les Français (Fayard).
7. Meilleur come-back : les socialistes à l’Assemblée
Certes, ils auraient voulu obtenir plus en matière de “justice fiscale”, histoire de moins prêter le flanc aux attaques des Insoumis, notamment. Mais après une année 2024 qui les avait vus revenir en plus grand nombre à l’Assemblée (ils sont désormais 69), les députés socialistes, représentés par leur premier secrétaire Olivier Faure, le président du groupe au Palais-Bourbon, Boris Vallaud, et leurs spécialistes des finances, les médiatiques Jérôme Guedj ou Philippe Brun, ont été au cœur de toutes les discussions, cette année, et d’abord lors des négociations budgétaires. Jusqu’à faire dire aux détracteurs de Sébastien Lecornu dans son camp que le Premier ministre était à ça de faire adopter un “budget de gauche” (diantre). Ce rôle “d’opposition constructive” commence pourtant à leur donner des bouffées d’angoisse à l’approche des municipales. Parmi leurs plus belles victoires ? Parmi leurs plus belles victoires ? Le “bougé” de l’exécutif sur la réforme des retraites — une “suspension”, dans leurs mots, quand certains macronistes, dont le premier d’entre eux, comme les Insoumis et les Ecologistes, préfèrent parler d’un simple “décalage” (la réforme reprendra de fait son entrée en application progressive après l’élection présidentielle, à moins d’une remise à plat des règles du jeu, comme expliqué ici). Mais aussi : la hausse de la CSG sur une partie des revenus du capital, le dégel des minima sociaux (toutefois réclamé par la quasi totalité de l’hémicycle).
On avait aussi pensé à : Bruno Le Maire, qui fut ministre des Armées du 5 au 6 octobre 2025, comme sa fiche Wikipédia en témoigne désormais. Soit à peine 7 ans, 4 mois et 3 jours de moins que la durée de son mandat comme ministre de l’Economie, qui s’était achevé en septembre 2024.
8. Meilleur accessoire : la bonnette de Mediapart
Après l’annonce de la condamnation de son mari, Nicolas Sarkozy, en première instance, dans l’affaire du financement libyen de la campagne présidentielle de 2007, Carla Bruni passe devant les journalistes présents au tribunal judiciaire de Paris, puis retire et jette du bout des doigts la bonnette du micro de Mediapart, le média à l’origine de la plupart des révélations de l’affaire, dans un sourire crispé. Un scandale de plus, pour certains. Un geste “iconique”, pour d’autres, quand France Inter allait plutôt recueillir le témoignage de la pauvre bonnette.
9. Meilleur documentaire : la nomination de Michel Fournier
Le 12 octobre, toute la France (sauf peut-être le petit village de Voivres, dont il était maire) découvrait Michel Fournier, nommé ministre de la Ruralité. Une surprise, y compris pour le premier concerné, qui a appris sa nomination… devant sa télé, avait-il raconté à nos confrères de BFMTV. Pas de quoi ébranler son épouse qui, selon le récit du néoministre, “était très intéressée, puisqu’elle regardait un film sur une autre télé” en même temps que l’annonce de la composition du gouvernement.

10. Meilleure révélation : Gabriel Zucman
Gabriel Zucman, vous connaissez ? Cet automne, on n’a parlé que de lui. Le nom de cet économiste prof à Berkeley et à l’ENS, auteur du livre Les milliardaires ne paient pas d’impôts sur le revenu et nous allons y mettre fin (Seuil), était sur toutes les lèvres et en particulier celles des socialistes, à l’heure où tous se préparaient à entrer dans la mêlée budgétaire. Sa proposition phare ? Instaurer un taux plancher d’imposition de 2% sur les revenus des ménages détenant au moins 100 millions d’euros de patrimoine, vite rebaptisée taxe Zucman. Las, le PS n’a pas réussi à la faire adopter, pas plus que sa contre-proposition d’une version allégée. En attendant, l’économiste a engrangé des points de notoriété. Jusqu’à faire son entrée, début juillet, dans notre classement des 40 personnalités les plus influentes de l’Hexagone ; et se retrouver, début décembre, parmi les quelques Français qui comptent en Europe dans notre classement P28.
11. Meilleur souffleur : Bruno Retailleau
L’image paraît déjà vintage : il fallait le voir, Bruno Retailleau, alors ministre de l’Intérieur et aux côtés de son N+1, François Bayrou, lors de la conférence de presse du “comité interministériel de contrôle de l’immigration”, le 26 février dernier. La scène du Premier ministre cherchant péniblement ses mots, ses papiers, puis son verre d’eau, au côté de son ministre de l’Intérieur impassible (ou presque), a fait les délices des réseaux sociaux et des détracteurs du patron du MoDem.
12. Meilleure adaptation : Le Journal d’un prisonnier
Nicolas Sarkozy dans Le Comte de Monte-Cristo : vingt jours d’incarcération à la prison de la Santé ; ressenti quatorze ans. Plus de deux siècles après Edmond Dantès, l’ex-président de la République endosse dans son Journal d’un prisonnier (Fayard) les habits du héros d’Alexandre Dumas. Rien ne nous sera épargné : son régime alimentaire (il ne s’est nourri que de laitages et de barres de céréales) ; les conditions dans lesquelles il l’a écrit, “au Bic sur une petite table en contreplaqué” ; ses conversations avec l’aumônier de la prison et le rôle de la prière qui lui a donné “la force de porter la croix de cette injustice”.
Bonus : si vous voulez l’entendre de vos oreilles, il y a aussi le passage de Nicolas Sarkozy dans le podcast Legend, avec quelques séquences déjà cultes : “Je me suis senti faible, et je me sens faible à chaque instant, et c’est pour ça que je suis fort. Parce que si vous vous sentez pas faible, vous êtes pas fort”, y confesse l’ancien président. Et son livre fait un tabac en librairies : l’ancien président se classe deuxième des ventes derrière Astérix et Obélix (eux aussi très très forts, mais pour les raisons que vous savez).
Elisa Bertholomey, Jason Wiels, Sarah Paillou, Kenza Pacenza,Jean-Christophe Catalon et Pauline de Saint Remy ont notamment contribué à la rédaction de cet article.



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