Wednesday, 17 December, 2025
London, UK
Wednesday, December 17, 2025 8:59 PM
broken clouds 10.1°C
Condition: Broken clouds
Humidity: 83%
Wind Speed: 16.7 km/h

Le problème de l’UE, ce n’est pas la Belgique, mais Trump

BRUXELLES ― Le sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE de jeudi permettra de déterminer si l’Union reste unie ou si Donald Trump peut la diviser.

Le désaccord entre les gouvernements européens sur l’utilisation d’avoirs russes, gelés depuis l’invasion de l’Ukraine par Vladimir Poutine, pour financer la reconstruction du pays a mis au jour une fracture plus profonde sur le continent sur la façon de faire face à un nouvel ordre mondial et à une pression sans précédent des Etats-Unis.

“Ils veulent nous affaiblir”, a déclaré un haut responsable européen au fait des relations transatlantiques et des préparatifs du sommet.

Le Conseil européen de cette semaine doit faire deux choses. Les dirigeants ont besoin de résultats tangibles, notamment en ce qui concerne le financement de l’Ukraine. Mais les gouvernements dirigés par des partis traditionnels estiment aussi qu’ils doivent défendre l’UE, alors que la Maison-Blanche tente d’influencer sa politique et que les leaders européens sont plus nombreux que jamais — du Hongrois Viktor Orbán au Tchèque Andrej Babiš — à rejeter la doctrine dominante de Bruxelles.

“La capacité d’action de l’Union européenne sera gravement compromise pour des années” si elle ne parvient pas à conclure un accord sur le financement de l’Ukraine, a alerté le chancelier allemand Friedrich Merz lors d’une interview à la télévision allemande. “Nous montrerions au monde que nous sommes incapables de nous unir et d’agir à un moment aussi crucial de notre histoire pour défendre notre propre ordre politique sur ce continent européen.”

Les responsables de l’administration Trump ont poussé les gouvernements européens — ceux qu’ils considèrent comme les plus amicaux du moins — à rejeter le plan visant à utiliser 210 milliards d’euros d’actifs russes pour financer l’Ukraine, relatent à POLITICO quatre responsables de l’UE participant aux discussions.

Lorsque les dirigeants européens se sont réunis à Bruxelles en octobre, ils ne sont pas parvenus à un accord sur les avoirs gelés, parce que la Belgique s’y est opposée. Deux mois plus tard, il est clair que le problème de l’UE n’est pas vraiment la Belgique, mais bien Donald Trump.

La Commission européenne et les Etats membres les plus influents ont négocié entre eux depuis, en essayant d’obtenir le soutien du Premier ministre belge Bart De Wever ― son approbation est cruciale, car son pays abrite la plupart des avoirs russes gelés en Europe. Les discussions se sont intensifiées depuis une semaine, l’UE cherchant à donner des garanties à la Belgique.

Mais les chances de parvenir à un accord ont empiré au lieu de s’améliorer, même au cours de la journée de mardi, déplore le haut responsable précité, qui s’exprime sous couvert d’anonymat pour pouvoir parler librement. “J’avais envie de pleurer”, confie-t-il, étant donné l’ambiance qui régnait lors d’une réunion des ministres des Affaires européennes à Bruxelles pour préparer le sommet.

“Les Etats-Unis ne sont plus le leader du monde libre”

L’Ukraine a désespérément besoin d’argent, il lui faut 71,7 milliards d’euros pour l’année prochaine. Si l’argent ne commence pas à affluer d’ici avril, elle devra réduire ses dépenses publiques, ce qui pourrait avoir un impact sur son moral et sa capacité à continuer à se défendre, près de quatre ans après le début de la guerre.

Le gouvernement belge explique que son opposition à l’utilisation des actifs russes pour financer le prêt est due à la nécessité de protéger ses propres contribuables, afin qu’ils ne soient pas mis à contribution au cas où l’argent devait être remboursé.

Pour les autres pays européens, il s’agit d’une question de géopolitique plus large.

La campagne d’influence américaine, qui a vu les responsables de l’administration Trump contourner Bruxelles et passer par des canaux détournés avec les Etats membres, a conduit l’Italie, la Bulgarie, Malte et la Tchéquie à rejoindre le groupe des pays dissidents.

“La capacité d’action de l’Union européenne sera gravement compromise pour des années” si elle ne parvient pas à conclure un accord sur le financement de l’Ukraine, a alerté le chancelier allemand Friedrich Merz lors d’une interview à la télévision allemande. | Sven Hoppe/Getty Images

Un échec serait une catastrophe pour la position de l’UE dans le monde, estiment des responsables européens, compte tenu du message que cela enverrait, non seulement à la pugnace administration Trump — qui, dans sa stratégie de sécurité nationale publiée au début du mois, a indiqué soutenir les mouvements eurosceptiques —, mais aussi au président russe Vladimir Poutine, qui remet ouvertement en cause la souveraineté des anciens Etats soviétiques.

Manfred Weber, le président du Parti populaire européen, la plus grande formation politique de l’UE, a dressé mardi un constat saisissant de la détérioration des relations.

“Les Etats-Unis ne sont manifestement plus le leader du monde libre”, a-t-il lancé devant les journalistes à Strasbourg, où le Parlement européen siège cette semaine. L’administration Trump “prend ses distances avec nous”.

Une Ukraine à court d’argent aurait moins de poids dans les négociations de paix, ce qui compromettrait ses chances d’obtenir la paix durable dont elle a besoin pour se reconstruire après quatre années de guerre.

“Je n’ai même pas le mot juste”, a concédé le Premier ministre estonien Kristen Michal à POLITICO lorsqu’on lui a demandé ce qui se passerait si l’UE ne parvenait pas à obtenir un accord de prêt. Kiev a besoin de savoir “que l’Europe soutient l’Ukraine quoi qu’il arrive. Qu’ils ne sont pas obligés d’accepter un mauvais accord.”

Selon un projet de plan de paix négocié par la Maison-Blanche et le Kremlin, Washington souhaite utiliser une partie des avoirs russes gelés pour financer les efforts de reconstruction menés par les Etats-Unis. L’emploi de ces actifs au profit de l’Ukraine dans le cadre d’un prêt de réparation permettrait à Kiev de décider de l’utilisation de cet argent, la France plaidant pour une approche européenne priorisant les dépenses militaires.

Donald Trump fait également pression sur le président ukrainien Volodymyr Zelensky pour qu’il cède à la Russie des pans entiers de territoires fortement protégés et stratégiquement importants dans le Donbass — des territoires que le Kremlin ne contrôle pas à l’heure actuelle.

La Maison-Blanche a rejeté les accusations d’ingérence de Bruxelles.

“Il ne faut pas prendre au sérieux les propos de sources anonymes qui n’ont pas assisté à ces discussions”, a rétorqué Anna Kelly, porte-parole adjointe de la Maison-Blanche. “Le seul objectif des Etats-Unis est de ramener la paix dans ce conflit […]. Les Ukrainiens et les Russes ont tous deux clairement exprimé leurs positions concernant les avoirs gelés, et notre seule tâche est de faciliter des échanges qui peuvent in fine déboucher sur un accord.”

Mardi, alors que les négociations battaient de l’aile, les responsables et les dirigeants de l’UE ont de plus en plus évoqué l’arme de destruction massive : faire adopter le prêt destiné à financer les réparations à la majorité qualifiée, c’est-à-dire ignorer les objections de certains pays et aller de l’avant malgré tout. Mais certains responsables publics pensent que cette option déchirerait une Union déjà fracturée et risquerait de la plonger dans une véritable crise.

Une autre solution consiste, pour certains pays, à proposer simplement des prêts bilatéraux limités.

“Il est important que la Belgique participe” à l’accord, “mais on verra”, a déclaré la Première ministre lettonne Evika Siliņa à POLITICO mardi. “Si c’est [un vote à la majorité qualifiée] la seule [option], pourquoi pas ?”

“Il est important que l’UE montre sa force et sa capacité à prendre des décisions fortes, car nous y travaillons depuis longtemps déjà et nous avons promis à l’Ukraine de l’aider avec des ressources financières — et les avoirs gelés sont vraiment une bonne source”, a-t-elle poursuivi.

Et Evika Siliņa d’ajouter : “Pour la Belgique, je pense que je ne souhaite pas qu’elle devienne la deuxième Hongrie.” POLITICO a rapporté la semaine dernière que des diplomates avaient averti que la Belgique, en restant récalcitrante à l’accord sur les avoirs russes, risquait d’être isolée dans le processus décisionnel de l’UE.

“Je n’ai même pas le mot juste”, a déclaré le Premier ministre estonien Kristen Michal à POLITICO lorsqu’on lui a demandé ce qui se passerait si l’UE ne parvenait pas à obtenir un accord de prêt. | Nicolas Economou/Getty Images

Pour l’Ukraine, le prêt de réparation financé par les actifs russes serait la meilleure solution pour combler le trou dans ses finances — le soutien du FMI au pays dépend de ce plan.

Mais Volodymyr Zelensky, lors d’une conversation WhatsApp avec des journalistes lundi, s’est montré pragmatique. Il ne se soucie pas de la manière dont l’Ukraine reçoit l’argent, du moment qu’elle le reçoit.

“Bien sûr, nous aimerions vraiment utiliser les [avoirs russes] pour restaurer notre Etat”, car “il est juste que les Russes paient pour la destruction”. Mais, a-t-il ajouté, “un prêt de réparation ou tout autre format basé sur le montant des avoirs gelés de la Russie — entre 150 et 200-210 milliards de dollars au total — changerait vraiment la donne”.

Les discussions entre les responsables européens n’ayant pas abouti à un accord, les dirigeants en personne auront la tâche inhabituelle, lors du sommet de jeudi, de devoir trouver eux-mêmes une solution.

Victor Jack a contribué à cet article depuis Helsinki. Gabriel Gavin et Nick Vinocur depuis Bruxelles, Veronika Melkozerova depuis Kiev, Max Griera depuis Strasbourg et Daniella Cheslow depuis Washington.

Cet article a d’abord été publié par POLITICO en anglais, puis a été édité en français par Jean-Christophe Catalon.

LP Staff Writers

Writers at Lord’s Press come from a range of professional backgrounds, including history, diplomacy, heraldry, and public administration. Many publish anonymously or under initials—a practice that reflects the publication’s long-standing emphasis on discretion and editorial objectivity. While they bring expertise in European nobility, protocol, and archival research, their role is not to opine, but to document. Their focus remains on accuracy, historical integrity, and the preservation of events and individuals whose significance might otherwise go unrecorded.

Categories

Follow

    Newsletter

    Subscribe to receive your complimentary login credentials and unlock full access to all features and stories from Lord’s Press.

    As a journal of record, Lord’s Press remains freely accessible—thanks to the enduring support of our distinguished partners and patrons. Subscribing ensures uninterrupted access to our archives, special reports, and exclusive notices.

    LP is free thanks to our Sponsors

    Privacy Overview

    Privacy & Cookie Notice

    This website uses cookies to enhance your browsing experience and to help us understand how our content is accessed and used. Cookies are small text files stored in your browser that allow us to recognise your device upon return, retain your preferences, and gather anonymised usage statistics to improve site performance.

    Under EU General Data Protection Regulation (GDPR), we process this data based on your consent. You will be prompted to accept or customise your cookie preferences when you first visit our site.

    You may adjust or withdraw your consent at any time via the cookie settings link in the website footer. For more information on how we handle your data, please refer to our full Privacy Policy