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Aurore Bergé veut réguler les influenceurs… et braque les plateformes

PARIS — Le discours, ponctué par les cliquetis des appareils photo des journalistes, était plus que ferme. Aurore Bergé a “convoqué” lundi les principales plateformes numériques (Google, Meta, Snap, X, TikTok, Twitch) pour un rappel à leurs obligations de “vigilance” face aux contenus violents ou haineux qui se propagent en ligne.  Une première étape avant une prochaine convocation prévue le 9 juillet, d’après un mail de son cabinet envoyé aux plateformes présentes et consulté par POLITICO.

La ministre déléguée à l’Egalité entre les Femmes et les Hommes était entourée de la Direction générale de la police nationale (DGPN), de l’Arcom (régulateur de l’audiovisuel, NDLR), mais aussi d’une nuée de journalistes et de sa collègue en charge de l’Intelligence artificielle et du Numérique, Clara Chappaz. 

Pour Aurore Bergé, l’enjeu était de battre le fer tant qu’il était chaud. En effet, trois semaines après avoir obtenu la suppression du compte de l’ancien candidat de téléréalité AD Laurent par la plateforme TikTok, la ministre a demandé un coup de filet plus large. Dans un document écrit transmis aux plateformes et à la presse, elle a pointé du doigt une demi-douzaine d’autres influenceurs aux contenus jugés sexistes, masculinistes et violents, parmi lesquels Nasdas, Bassem, Alex Hitchens ou Killian Sensei. 

Ces noms lui ont parfois été transmis par les collectifs de surveillance des influenceurs avec lesquels le cabinet de la ministre échange souvent, à l’instar du collectif Mineurs, éthique et réseaux (Meer). L’objectif : obtenir la suppression de leurs comptes.

Trois plateformes présentes lors de l’échange, dont TikTok, ont du reste indiqué à POLITICO qu’elles commençaient à passer en revue les contenus des comptes signalés par la ministre, sans s’engager à ce stade à les supprimer.

“Les jeunes, parfois très jeunes, ont un accès sans filtre à ces contenus, à des vidéos violentes, à des discours toxiques, à des modèles destructeurs”, a martelé Aurore Bergé lors de sa prise de parole. Sur le fond comme sur la forme, les représentants des plateformes conviés se sont dits pris de court : ils n’avaient pas été informés de la présence des caméras ni du but exact de la réunion, affirment-ils. 

Leurs relais les plus fréquents auprès des autorités, à savoir les organisations désignées signaleurs de confiance par l’Arcom, n’étaient pas présents. Ils ont pourtant pour rôle — comme leur nom l’indique — de signaler aux réseaux sociaux les contenus jugés illicites. “Nous avons appris la tenue de cette réunion parce qu’un journaliste nous a demandé si nous serions présents”, commente l’un d’entre eux, amer, à POLITICO.  

Une méthode musclée avec les plateformes qu’Aurore Bergé assume sans détour dans une réponse écrite à POLITICO : “Je me réjouis qu’elles aient compris que l’Etat les convoquait et leur demandait des comptes. C’est mon rôle et j’entends bien continuer. Pour protéger nos enfants, nos adolescents et notre société”. Et si la régulation du numérique n’est pas incluse dans son portefeuille, la ministre estime être dans son rôle en combattant les discriminations en ligne.

Chappaz et les plateformes pris au dépourvu

Pourtant, le cabinet de la ministre du Numérique, Clara Chappaz, a lui aussi eu du mal à cacher son malaise. La ministre s’est contentée, au cours de la réunion, de rappeler son objectif d’interdire les réseaux sociaux aux moins de quinze ans. “Le cabinet de Chappaz se défend en prétendant être dans l’action et pas dans la déclaration, mais la vérité c’est qu’ils se font marcher dessus”, constate un membre de l’administration auprès de POLITICO. “Les deux ministres s’apprécient et travaillent en complémentarité”, rétorque-t-on du côté du cabinet Bergé.

C’est en effet discrètement, dans la soirée, que plusieurs membres du cabinet de Chappaz ont contacté les plateformes ayant participé à cette réunion pour tenter d’apaiser les esprits.

Peine perdue : “Ce n’est jamais la manière dont on a travaillé avec le gouvernement en France”, appuie un représentant d’une plateforme présente à la réunion, qui a demandé l’anonymat pour parler librement. “Même il y a deux ans, quand Gérald Darmanin et Jean-Noël Barrot nous avaient convoqués au sujet des émeutes [suite à la mort de Nahel] , nous avions eu des échanges plus constructifs”. 

“C’était le procès le plus à charge que j’ai vu depuis que je fais ce boulot”, indique un autre représentant. 

La ministre s’est d’ailleurs offusquée de lire cette expression, dans les colonnes de POLITICO et s’est fendue le lendemain d’un mail aux plateformes : “je lis dans la presse de ce jour que la réunion d’hier aurait été “un procès à charge”. Je vous rappelle donc qu’il est de la responsabilité de chacune de vos plateformes de vous conformer à notre cadre légal.”

Les échanges n’avaient pas démarré sous les meilleures auspices. Les plateformes ont reçu l’invitation à la réunion d’Aurore Bergé moins d’une semaine en avance, avec un ordre du jour succinct : la ministre souhaitait parler avec eux de leur “devoir de vigilance”. 

“Résultat : la ministre était frustrée, car on ne pouvait pas lui apporter de réponses précises”, poursuit le représentant cité plus haut. “Elle a indiqué que ce n’était pas son rôle de nous signaler des contenus problématiques, et c’est vrai : il y a normalement des procédures légales pour cela”. 

Parmi celles-ci : le signalement des contenus problématiques auprès de la plateforme gouvernementale Pharos, qui échange avec les plateformes sur les contenus illicites. Ce que la ministre a assuré avoir fait pour les contenus des influenceurs repérés par son cabinet. 

TikTok et X dans le viseur de la ministre

Alors qu’Aurore Bergé affirme s’appuyer sur le règlement européen sur les services numériques (DSA) pour demander la suppression des comptes d’influenceurs jugés problématiques, les plateformes ne partagent pas son interprétation. 

Le DSA prévoit en effet que les plateformes mettent à disposition des outils de signalement des contenus illégaux — avant de retirer ou de bloquer l’accès au contenu illégal. Mais cette règle concerne les posts, et pas les comptes de leurs créateurs directement.

Il n’en reste pas moins qu’une fois que TikTok a obtempéré en supprimant le compte de l’influenceur AD Laurent, “ils ont mis la main dans l’engrenage”, selon plusieurs participants. Pour eux, la plateforme veut montrer patte blanche auprès de l’exécutif, quitte à surmodérer les contenus que les ministres peuvent lui signaler… Et à créer un précédent. “Normalement, on supprime contenu par contenu et puis surtout pas sur ordre d’une autorité ministérielle, nous ne sommes pas en Chine…” , analyse un participant à l’échange avec la ministre. 

TikTok avait pour sa part indiqué que “la décision de supprimer le compte [d’AD Laurent] de cet utilisateur a[vait] été prise conformément à [ses] règles communautaires, qui s’appliquent de manière stricte à tous les utilisateurs, sans exception”.

Autre plateforme dans le viseur de la ministre : le réseau social X, ciblé par Aurore Bergé parce qu’il ne modérerait pas suffisamment les contenus à caractère pornographique diffusés sur son interface. Sur ce point, X a renvoyé aux travaux en cours pour contrôler l’âge des utilisateurs en ligne.

LP Staff Writers

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