C’est l’un des scrutins les plus attendus des municipales du mois de mars prochain. Le maire de Marseille, l’ex-socialiste Benoît Payan, à la tête d’une coalition de gauche hors LFI, parviendra-t-il à se maintenir en poste, alors que le RN a rassemblé 30% des voix aux européennes en 2024 (contre 19,45% aux dernières municipales) ?

Les Insoumis, en nette progression eux aussi dans la cité phocéenne par rapport à 2020, menacent en outre de maintenir au second tour leur candidat — qui sera très probablement Sébastien Delogu. Ce sera l’une des clés de l’élection, le changement de mode de scrutin à Marseille, Paris et Lyon rendant la question des alliances “encore plus décisives” qu’auparavant, comme le souligne Jean-Yves Dormagen, président de l’institut Cluster17, qui a réalisé notre sondage.

Payan et Allisio en tête à égalité au premier tour

Cette enquête exclusive*, réalisée entre le 4 et le 7 novembre 2025 pour POLITICO, montre que le maire sortant a en effet de quoi s’inquiéter : si 29% des Marseillais envisagent de voter pour sa liste au premier tour (il bénéficie désormais du soutien des Ecologistes en plus de celui du PCF), ils sont tout autant à avoir l’intention de voter pour le candidat désigné par le RN, Franck Allisio.

La candidate officielle des Républicains et Horizons et actuelle présidente de la métropole, Martine Vassal, à la tête d’une liste d’une liste “d’union de la droite et du centre” — elle avait soutenu Emmanuel Macron à la présidentielle de 2022 et mène actuellement des discussions avancées avec Renaissance pour obtenir l’investiture —, rassemble à ce stade 23% des intentions de vote.

Très puissant chez les jeunes — 37% des 18-34 ans envisagent de voter pour lui, selon Cluster17 —, l’Insoumis Sébastien Delogu pourrait recueillir quant à lui 16% des voix sur l’ensemble des votants et serait donc largement en position de se maintenir (le seuil de qualification pour les élections municipales est de 10% des suffrages exprimés).

Le choix des Insoumis, déterminant pour Payan ?

Pour le second tour, nous avons testé deux hypothèses. Dans le premier cas, la gauche se rassemble (“Printemps marseillais” + Insoumis), dans le second, la liste LFI se maintient. Et cela fait toute la différence.

Dans le cas où la gauche partirait unie, Benoît Payan pourrait être réélu avec 45% des voix, contre 25% pour Martine Vassal et 30% pour Franck Allisio, qui reste donc quasiment stable entre les deux tours.

Dans le cas où le candidat Insoumis se maintient, Benoît Payan ne l’emporterait à ce jour, selon notre enquête, que d’une très courte tête, avec 30,5% des voix, contre 29% pour le RN. Et ce, malgré ce qui fait sa force : “Son électorat est assez représentatif de la ville, assez fort dans toutes les catégories, il a le privilège du sortant, en quelque sorte, puisqu’il arrive à mordre sur l’électorat macroniste.”

Il n’empêche : “Dans une quadrangulaire, à l’instant T, le RN peut disputer la victoire au Printemps marseillais”, analyse Jean-Yves Dormagen.

Selon le président de Cluster17, Marseille illustre une tendance dans de nombreuses villes françaises à la “fragmentation de l’espace politique” au niveau local : “Dans beaucoup de villes, LFI et le PS sont au-dessus de 10%, et les Ecologistes parfois aussi, ce qui fait que vous avez trois listes de gauche en position de se maintenir. A droite, LR et le RN, et parfois les macronistes, pourront aussi. Vous avez souvent un potentiel de six listes pour le second tour”, explique-t-il.

Par conséquent : “Les espaces qui sont divisés perdront contre le camp qui sera unifié”, anticipe-t-il.

Au-delà des alliances entre partis, une question se pose à Marseille, souligne enfin Jean-Yves Dormagen : des logiques de “vote utile” se mettront-elles en place, au gré des sondages, avec une partie des électeurs Insoumis qui préfèreraient voter pour Benoît Payan, ou des électeurs de Martine Vassal qui préfèreraient voter RN ?

(*) Sondage réalisé par Cluster17 pour POLITICO sur un échantillon de 910 individus, dont 816 inscrits sur les listes électorales, représentatifs de la population de Marseille. L’échantillon a été constitué selon la méthode des quotas en fonction des critères de genre, âge, CSP, secteur de résidence (Insee). L’échantillon a fait l’objet d’un redressement en fonction des critères sociodémographiques et des votes au premier tour des élections municipales de 2020, de la présidentielle en 2022 et des européennes de 2024. Pour un échantillon de 816 individus, la marge d’erreur est comprise entre 1,5 et 3,5 points.