Monday, 08 December, 2025
London, UK
Monday, December 8, 2025 7:14 PM
broken clouds 12.5°C
Condition: Broken clouds
Humidity: 91%
Wind Speed: 6.4 km/h

L’opposition s’intensifie contre le principe d’“acheter européen” de la Commission

BRUXELLES — Bruxelles s’apprête à se lancer dans un exercice d’équilibriste : comment inciter le secteur public à acheter davantage de produits fabriqués dans l’UE sans être accusé de faire du protectionnisme ?

L’exécutif européen devait présenter explicitement cette semaine ce que veut dire en pratique son programme “acheter européen”, en dévoilant sa proposition d’Industrial Accelerator Act. Mais ce lundi, cette mesure, destinée à garantir que des milliards d’euros de marchés publics soient attribués à des entreprises européennes, a été repoussée à la fin du mois de janvier.

Ce report intervient alors qu’un groupe de neuf Etats membres — mené par la République tchèque et comprenant l’Estonie, la Finlande, l’Irlande, la Lettonie, Malte, le Portugal, la Slovaquie et la Suède — est monté au créneau. Ces pays craignent que l’Union européenne ne se nuise à elle-même en isolant certains secteurs de l’économie du reste du monde.

Cette rébellion contre la proposition législative montre que deux visions s’affrontent sur ce que l’Europe doit faire pour rivaliser avec les Etats-Unis et la Chine.

Pour le camp mené par Emmanuel Macron et dominé par les puissances industrielles de l’Union, l’Europe ne peut réussir dans la compétition mondiale que si elle accorde un traitement préférentiel à ses propres champions industriels et technologiques dans l’attribution de grands contrats, tels que les réseaux de transport public.

A l’inverse, pour les pays plus petits et à l’approche libérale en matière commerciale, c’est impensable. Ils affirment que leurs économies ne peuvent rester compétitives que si elles sont libres de choisir les meilleurs produits au meilleur prix. Et même si cela signifie se fournir auprès des Chinois ou des Coréens.

Depuis des années, ces pays soupçonnent que cette stratégie d’“acheter européen” affaiblira l’économie de l’UE en accordant un traitement préférentiel aux grands groupes franco-allemands, qui seront moins soumis à la pression de la concurrence et pratiqueront des prix injustement élevés à l’égard de leurs fournisseurs et de leurs clients.

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a soutenu l’idée de permettre aux gouvernements et aux autres organismes publics d’exprimer une “préférence européenne” en matière de marchés publics, après avoir entamé son second mandat il y a un an.

L’Industrial Accelerator Act est un premier test pour ce principe, puisqu’il a été intégré dans cette proposition législative conçue à l’origine pour accélérer les investissements dans des projets de décarbonation dans le cadre du Pacte pour une industrie propre d’Ursula von der Leyen.

Au cours du processus de rédaction, le commissaire européen à l’Industrie, le Français Stéphane Séjourné, a intégré le principe d’“acheter européen” dans la proposition, ainsi qu’un contrôle plus strict des investissements étrangers.

A manipuler avec précaution

Dans leur contre-attaque, les Tchèques ont appelé Bruxelles à “faire preuve de la plus grande prudence possible lors de l’élaboration de l’approche de la ‘préférence européenne’”, selon un document de position obtenu par POLITICO avant une réunion des ministres de l’Industrie de l’UE lundi.

“Adopter des règles disproportionnées sur la ‘préférence européenne’ comme une norme dans nos politiques publiques pourrait risquer […] d’aggraver la méfiance à l’égard du système commercial multilatéral et de l’UE en tant que partenaire fiable et prévisible”, poursuit le document tchèque, qui a été signé par les huit autres pays.

Une délégation du syndicat patronal Keidanren — qui compte Toyota et Mitsubishi parmi ses adhérents — a récemment rencontré un membre du cabinet de Stéphane Séjourné pour discuter de l’idée de la préférence européenne, selon une personne au fait du dossier. | Kiyoshi Ota/EPA

Ces craintes sont partagées en dehors de l’Europe : une délégation du syndicat patronal japonais Keidanren — qui compte Toyota et Mitsubishi parmi ses adhérents — a récemment rencontré un membre du cabinet de Stéphane Séjourné pour discuter de l’idée de la préférence européenne, selon une personne au fait du dossier.

Leur idée est d’exempter les “partenaires [de l’UE] de même sensibilité”, tels que le Japon, de ces exigences.

Les préoccupations exprimées dans le document tchèque ont également été reprises par certaines organisations professionnelles européennes — même si, en théorie, elles auraient tout à gagner à ce que leurs gouvernements achètent davantage de produits, de services ou de technologies d’origine nationale.

Peter Kofler, président des Danish Entrepreneurs, a mis en garde contre les “murs de protection qui nous isolent de la réalité mondiale”.

“Imposer la ‘préférence européenne’ avant que nos solutions ne soient de classe mondiale nous enfermera dans une économie de second rang”, a-t-il prévenu.

La mise en œuvre est essentielle

D’autres organisations professionnelles se sont montrées ouvertes aux exigences en matière de préférences locales, mais s’inquiètent de la manière dont elles seraient mises en œuvre, ou craignent qu’elles ne soient considérées comme une charge administrative supplémentaire, au moment même où Ursula von der Leyen se donne pour mission de simplifier.

Orgalim, un lobby de la tech, s’est prononcé largement en faveur de la proposition, tout en soulignant la nécessité d’éviter “des charges administratives et réglementaires supplémentaires qui étouffent le secteur à un moment où nous avons désespérément besoin de flexibilité pour innover et être compétitifs”.

Dans une prise de position antérieure, la Pologne a estimé que les exigences en matière de contenu local pourraient être des “outils importants”, mais que leur succès “dépendra en grande partie de leur calibrage”. Appelant à une approche flexible du “Made in Europe”, les Polonais ont également averti que les pays les plus avancés dans la transition vers les énergies vertes pourraient en bénéficier de manière disproportionnée.

Aleksandra Kordecka, experte au sein du cabinet Séjourné, a tenté de dissiper ces inquiétudes lors d’un récent événement. “L’objectif du ‘Made in Europe’, je pense, est que l’argent public aille à l’industrie européenne et aux emplois européens”, a-t-elle exposé.

La Commission souhaite créer un environnement permettant aux industries européennes de rivaliser avec les surcapacités chinoises massives, a ajouté Aleksandra Kordecka : “Il ne s’agit absolument pas de fermer complètement le marché.”

Jordyn Dahl et Camille Gijs ont contribué à cet article, qui a d’abord été publié par POLITICO en anglais, puis a été édité en français par Jean-Christophe Catalon.

LP Staff Writers

Writers at Lord’s Press come from a range of professional backgrounds, including history, diplomacy, heraldry, and public administration. Many publish anonymously or under initials—a practice that reflects the publication’s long-standing emphasis on discretion and editorial objectivity. While they bring expertise in European nobility, protocol, and archival research, their role is not to opine, but to document. Their focus remains on accuracy, historical integrity, and the preservation of events and individuals whose significance might otherwise go unrecorded.

Categories

Follow

    Newsletter

    Subscribe to receive your complimentary login credentials and unlock full access to all features and stories from Lord’s Press.

    As a journal of record, Lord’s Press remains freely accessible—thanks to the enduring support of our distinguished partners and patrons. Subscribing ensures uninterrupted access to our archives, special reports, and exclusive notices.

    LP is free thanks to our Sponsors

    Privacy Overview

    Privacy & Cookie Notice

    This website uses cookies to enhance your browsing experience and to help us understand how our content is accessed and used. Cookies are small text files stored in your browser that allow us to recognise your device upon return, retain your preferences, and gather anonymised usage statistics to improve site performance.

    Under EU General Data Protection Regulation (GDPR), we process this data based on your consent. You will be prompted to accept or customise your cookie preferences when you first visit our site.

    You may adjust or withdraw your consent at any time via the cookie settings link in the website footer. For more information on how we handle your data, please refer to our full Privacy Policy